L'Union 8 octobre 2017

Eoliennes : elles sont de plus en plus contestées 


Les Ardennes sont-elles en passe de devenir l’un des tout premiers secteurs éoliens de France ? Ça en prend le chemin. Du Porcien à Vouziers, quelque 200mâts parsèment déjà le sud du département. Onze projets de parcs sont à l’instruction, mais une centaine de nouveaux mâts, autorisés eux, se dresseront bientôt dans la campagne ardennaise à l’image des 63 géants (200 mètres de haut, pale comprise) du futur parc éolien du Mont-des-Quatre-Faux, près de Machault.
Porté par Énergies nouvelles, l’opérateur d’EDF, ce sera l’un des plus grands de l’Hexagone. Investissement total : environ 470millions d’euros. Les mâts se déploieront sur 5000 hectares et sept villages, au lieu des huit prévus à l’ébauche du projet, en 2005. Soixante et onze éoliennes étaient alors envisagées. La proximité de la belle église classée de Machault a fait sortir la commune du périmètre.
Malgré l’enquête publique défavorable, la préfecture est passée outre, provoquant la colère d’un comité de défense des riverains, l’une des 11 associations qui, de Thiérache au Rethélois, protestent contre «  l’invasion  » d’éoliennes accusées de tous les maux : de massacrer les oiseaux migrateurs, de polluer la nuit de clignotements intempestifs, de dévaluer l’immobilier de 40 à 60 %, de dégrader les paysages, quand elles ne donnent pas la migraine à coup d’infrasons, comme l’assure l’Axonaise Valérie Bernardeau.
Pire, les éoliennes produiraient surtout «  une énergie inutile, intermittente et hors de prix  », résume Philippe Lebé, porte-parole du comité. Ce métallo retraité habite La Neuville-en-Tourne-à-Fuy, dont le territoire accueillera 27 des 63 mâts du Mont-des-Quatre-Faux. «  On sacrifie le bien-être des gens et nos paysages pour un projet démesuré et pour des questions de pognon !  »

50 % de la production mais 2 % des emplois !

Résumons le raisonnement des «  anti  ». La France imposant aux énergies renouvelables de couvrir, en 2020, 23 % de notre consommation énergétique, l’éolien progresse à marche forcée. Financés par l’argent public – en l’occurrence la CSPE* – les projets éoliens se multiplient et une flopée d’opérateurs (souvent étrangers) auraient flairé l’aubaine. «  EDF leur achète l’électricité produite deux fois plus cher que le marché : 72 € le mégawatt au lieu de 35 à 40 €. C’est à ce prix que la France, qui produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme, la revend à l’étranger. Au final, ça coûte aux consommateurs près de 900 M€ par an  », peste l’Axonais Jean-Louis Doucy. Membre de Stop Éolien 02, cet ancien directeur de communautés de communes reconnaît avoir été un chaud partisan de l’éolien, qu’il traite aujourd’hui d’«  énorme imposture  » : «  En bref, notre pays a importé pour 18milliards d’euros d’éoliennes afin de produire une électricité aléatoire dont nous n’avons pas besoin !  »
Car l’Aisne, à l’instar de la Marne, est pareillement concernée par la prolifération éolienne. En Thiérache ou dans le Saint-Quentinois ici, dans le Sézannais ou les zones de grandes cultures champenoises là. Officiellement, les plaines venteuses et la faiblesse démographique de nos régions plaident pour l’éolien. En visite vendredi sur le parc de Leffincourt, près de Rethel, le secrétaire d’État Sébastien Lecornu (voir par ailleurs) veut croire que les élus picards et champardennais y ont été «  plus motivés  » qu’ailleurs pour attirer chez eux des activités potentiellement pourvoyeuses d’emplois. On comprend mal alors pourquoi les deux régions – d’où provient près de la moitié de l’énergie éolienne française – n’attirent que 2 % des 11000 emplois revendiqués par la filière !

De juteuses retombées pas pour tout le monde

La réalité est peut-être plus prosaïque. «  Le financement exorbitant par EDF de ces éoliennes permet d’acheter le consentement des propriétaires fonciers et des collectivités locales qui sont en grande souffrance  ». Ce n’est pas un dangereux gauchiste qui parle mais Bérengère Poletti. La députée LR des Ardennes a pris la tête des frondeurs remontés contre le projet du Mont-des-Quatre-Faux. Comme eux, elle réclame «  un moratoire  » sur l’éolien ardennais et demande que «  l’énergie produite puisse au moins profiter directement aux habitants concernés  ».
Car pour le moment, seuls les propriétaires et les collectivités y trouvent leur compte. Selon les projets, les premiers perçoivent chaque année entre 4000 et 10000 € par éolienne et les secondes se partagent les retombées fiscales. Le Mont-des-Quatre Faux, par exemple, rapportera près de deux millions d’euros par an aux intercommunalités (Pays de Rethel, Argonne ardennaise), 900000 € au Département et 120000 € à la Région Grand Est. De quoi «  motiver  » les élus en effet. Pas les enrichir pour autant, comme s’en est défendu vendredi le président des maires ardennais invité à participer à Charleville à une table ronde avec le secrétaire d’État, les associations et les opérateurs. «  Les recettes de l’éolien servent à financer et à développer les services, pas à nous remplir les poches  », a asséné Régis Depaix, tandis que Charles Lhermitte, directeur régional de Quadran, premier opérateur éolien de France, a voulu rassurer les associations de riverains. «  Tous les projets ne vont pas aboutir. Il n’y aura certainement pas 700 éoliennes demain dans les Ardennes  » Ce n’est pourtant pas ce que le dit la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ), qui prévoit dans ce département un potentiel de 715éoliennes en 2020!
* CSPE : la contribution au service public de l’électricité qui rapporte chaque année entre 7 et 10 milliards d’euros.

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