Eolien : le grand carnage que l’on cache aux Français

Comme la plupart des oiseaux, les grues sont victimes des éoliennes.


L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) estime que chaque éolienne ne tue en moyenne qu’entre 0,4 et 1,2 oiseau par an. Il est de mon devoir, en tant que président du Conseil mondial pour la Nature, de dénoncer cette affirmation, basée comme elle est sur des statistiques de valeur scientifique douteuse, établies par des consultants soucieux de plaire à ceux qui les emploient: les promoteurs éoliens. Ce sont d’ailleurs les estimations les plus basses que j’aie jamais vues, depuis 12 ans que j’étudie les impacts de l’éolien en Europe, en Amérique et en Australie.
Aux Etats Unis, les chiffres récents les plus cités sont de 573.000 oiseaux et 888.000 chauves-souris par an, soit près de 15 oiseaux et 23 chauves-souris par éolienne. Cela fait de 12 à 37 fois plus que les estimations de l’ADEME (1). En Allemagne, l’ornithologue Bernd Koop avait estimé la mortalité annuelle entre 60.000 et 100.000 oiseaux par Gigawatt de capacité éolienne installée. Pour les 39 GW que comptent nos voisins d’Outre-Rhin, cela ferait entre 2.340.000 et 3.900.000 oiseaux morts par année, soit environ 100 fois plus que ce qu’affirme l’ADEME (2).
 Ces dernières estimations sont beaucoup plus proches de la réalité. Ceci nous a été confirmé par une étude approfondie de la Société ornithologique espagnole SEO-Birdlife (Sociedad Española de Ornitología). Ayant fait une requête basée sur le droit à l’information en matière environnementale (Convention d’Aarhus), la SEO a obtenu les copies de 136 études de suivi de centrales éoliennes, études que le gouvernement espagnol avait archivées sans les publier. Après les avoir analysées, ses chercheurs ont estimé la mortalité suivante: les 18.000 éoliennes d’Espagne tueraient en moyenne entre 6 et 18 millions d’oiseaux et de chauves-souris par an. Ceci reviendrait à une mortalité de 100 à 300 oiseaux et 200 à 600 chauves-souris par éolienne et par an. (3).
Ces chiffres rejoignent les premières estimations d’il y a une vingtaine d’années. Nous pouvons lire en effet,
dans une étude bibliographique publiée par une agence du gouvernement Californien, la California Energy Commission: (traduction) “Dans un résumé sur les impacts aviens des éoliennes par Benner et al. (1993) les morts d’oiseaux par éolienne et par an atteignaient 309 en Allemagne et 895 en Suède” – en anglais : “In a summary of avian impacts at wind turbines by Benner et al. (1993) bird deaths per turbine per year were as high as 309 in Germany and 895 in Sweden”(3). On est donc extrêmement loin des 0,4 à 1,2 oiseaux de l’ADEME .
Que s’est-il donc passé entre 1993 et 2014 ?
– De puissants intérêts politico-financiers se sont entendus pour tromper notre perception de la mortalité due aux éoliennes. Pour réussir cette mystification, il était essentiel d’obtenir la coopération des ONG ornithologiques. Cela s’est fait en général à coup de donations et de multiples contrats : études d’impact pour quantité de projets éoliens, suivis sur la mortalité avienne une fois le projet construit, études ornithologiques variées… L’industrie éolienne est rapidement devenue le principal employeur des ornithologues de l’Union européenne, et autres pays à forte pénétration des politiques dites « vertes ».
En Espagne, Iberdrola (équivalent à EDF) et Banco Triodos (la banque des énergies renouvelables) faisaient des donations à SEO-Birdlife qui s’élevaient à près de 25% de son budget. C’est du reste cela qui a causé un mouvement de dissension parmi ses adhérents, mouvement qui s’est finalement traduit par le départ du Directeur général, Alejandro Sánchez, en 2010 (4). Moins de deux années plus tard, cette société ornithologique publiait la vérité sur la mortalité éolienne en Espagne (3). Ce rapport n’a été ni publié, ni même mentionné par les autres sociétés ornithologiques dans les pays où l’éolien domine la politique énergétique. Quelle meilleure preuve pourrait-on donner de la collusion qui existe entre intérêts éoliens et ornithologie?
Une moyenne de 200 oiseaux morts par éolienne et par an, ce n’est pourtant pas exagéré: cela fait moins d’un oiseau par 24h. Or il faut savoir que la plupart des oiseaux migrateurs (les passereaux) effectuent les longs déplacements de nuit, pour éviter la surchauffe corporelle (ils battent très vite des ailes, ceci tout au long du voyage). Et la nuit, sauf clair de lune, on ne voit des éoliennes qu’un flash lumineux, tandis les dangereuses pales fauchent l’obscurité jusqu’à 30, 40 ou 50 mètres de ce flash…
Mais il n’y a pas que des accidents la nuit, d’autant que beaucoup d’espèces ailées sont attirées par les éoliennes (5). Ceci met leur vie en danger, car les pales atteignent des vitesses de près de 300 km/h à leur extrémité. Il s’agit d’abord des hirondelles, martinets et autres oiseaux qui chassent les insectes en vol: les éoliennes attirent en effet les insectes, a constaté le professeur Ahlén (5). Il s’agit aussi des rapaces, attirés par les oiseaux morts ou blessés qui gisent sous les éoliennes, ou par les mulots et lapins qui vivent à leurs pieds. Ces rongeurs trouvent en effet de quoi se nourrir dans ces espaces ouverts où poussent les graminées; d’autre part la terre rendue meuble par les travaux de fondation leur permet de creuser facilement des terriers (voir photo ci-dessous).
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Lapin devant son terrier, centrale éolienne d’Altamont Pass, Californie
Perchés sur les pales à l’arrêt (voir photo ci dessous), ou sur les nacelles, les rapaces ont une vue dominante sur cet exceptionnel territoire de chasse. Et comme les éoliennes se voient de très loin, ceux d’entre eux qui ont déjà chassé avec succès parmi ces machines sont bien entendu attirés par elles. Et plus ils fréquentent les sites éoliens, plus ils ont de chances de se faire frapper par une pale, dont ils jugent mal la vitesse.
D’ailleurs, nous ne sommes guère plus perspicaces: qui aurait dit qu’une pale d’éolienne ENERCON de 2,3 MW, modèle E-70, tourne à 287km/h en son extrémité par vent de 45 km/h? Il suffit pourtant de prendre un papier et un crayon… Voici ce que cela donne: 71m (diamètre) x 3,14 = circonférence de 223m x 21,5 révolutions par minute (maximum) = 4.794m parcourus par la pointe de chaque pale en une minute x 60 minutes = 287.640m parcourus en une heure, soit 287km/h. Il est peu étonnant, par conséquent, qu’autant d’oiseaux de toutes sortes se fassent surprendre par une pale, et soient tués.
Les rapaces, en particulier, sont décimés par les éoliennes (6). Or il faut savoir que les rapaces sont très utiles pour contrôler certaines populations d’animaux dits « nuisibles » (rats et mulots, mais aussi les pilleurs de nids comme les pies, les corbeaux etc.). Ils éliminent aussi les animaux malades, contribuant ainsi à la bonne santé de nombreuses espèces. Leur rôle est important pour le maintien des équilibres naturels, de la biodiversité et des écosystèmes.
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Buse à queue rousse perché sur une pale, Altamont Pass, Californie.
Voir aussi les autres photos (7), et les vidéos (12 et 13).
La déferlante éolienne est considérablement aidée par les estimations très peu réalistes de l’ADEME, par les ornithologues (à de rares exceptions près), par l’industrie éolienne, ses agents, ses consultants, ses activistes etc. Elle est aussi facilitée par de considérables apports de fonds publics, provenant d’une taxe de 15% sur nos factures d’électricité (CSPE). Ces milliards d’euros permettent d’aplanir tous les obstacles, de passer outre toutes les législations de protection de la nature. Parcs naturels régionaux, routes de migrations des oiseaux et des chauves-souris, territoires vitaux d’espèces prioritaires en danger d’extinction (comme le sont par exemple en France les aigles de Bonelli), rien ne résiste. Les ornithologues se taisent, et l’on n’entend qu’un seul son de cloche: celui des consultants, dont le ton est donné par les promoteurs qui les emploient.
Les préfets, qui donnent le feu vert aux projets éoliens, et les fonctionnaires qui étudient leurs dossiers, ont rarement d’autres données sous la main que le rapport d’impact préparé pas ces consultants si peu objectifs. J’en ai lu une bonne centaine au cours de ces 12 dernières années, et aucun ne concluait que l’impact sur l’environnement serait inacceptable, même lorsque le projet devait être implanté dans une réserve naturelle protégée, ou menaçait une espèce en voie d’extinction. Aucun d’entre eux n’était honnête, sans oublis ou erreurs, exempt de manipulations.
Pour faire « passer » les projets éoliens à très fort impact sur les espèces protégées, les consultants suggèrent en général l’application de certains procédés visant à la réduction des risques, ou encore ils proposent des formules de « compensation » pour la faune sauvage. Mais il faut savoir qu’aucun de ces procédés, aucune de ces formules n’a prouvé son efficacité, bien au contraire. Le président de la LPO lui-même l’a reconnu (8).
Dans certains pays, dont les Etats Unis, l’Etat délivre maintenant des permis aux propriétaires d’éoliennes afin que leurs machines puissent continuer à massacrer des espèces protégées sans qu’ils puissent être inquiétés par la Justice. S’il existait des moyens de réduire la mortalité, ils seraient employés plutôt que de délivrer ces impopulaires « take permits » (permis de prélèvement). Or les USA, pionniers de l’éolien, ont plus de 30 ans d’expérience dans ce domaine, et ils ont tout essayé pour réduire la mortalité.
Autre exemple : une mesure souvent proposée pour réduire la mortalité des chauves-souris est de ne laisser tourner les pales que lorsque la vitesse du vent dépasse les 6 mètres par seconde (22 kmh).
– Première constatation : la réduction de 90% de mortalité promise n’a pas été vérifiée. Aucune centrale éolienne n’a mis cette mesure en pratique et en a publié les résultats.
– Deuxième constatation : on néglige les 10% (ou 20, 30, ou 50%) de mortalité résiduelle comme s’il était acceptable de tuer de 1,2 à 6 millions de chauves-souris par an au lieu de 12 millions (chiffres applicables à l’Espagne, et bientôt à la France).
– Troisième constatation : la mise en pratique d’une telle mesure ne serait pas vérifiable. Qui, en effet, s’occuperait de vérifier à tout moment, pendant 25 ans, que le propriétaire bride bien les pales de ses éoliennes tel que prévu, réduisant ainsi son revenu? Il faudrait une équipe d’inspecteurs pour le faire. Mais qui les paierait? Et qui s’assurerait que l’exploitant des éoliennes n’aura pas réussi à leur faire fermer les yeux à force de faveurs? L’éolien a déjà causé assez de corruption comme cela! (9)
Les chauves-souris, selon une étude publiée par le département du Lot, «constituent le groupe faunistique ayant la plus forte valeur patrimoniale» (10). Ce sont des espèces qui sont utiles à l’homme, qui sont toutes en déclin, et qui ne peuvent se récupérer que très lentement, chaque femelle n’élevant qu’un petit par an. Beaucoup de leurs espèces sont classées comme menacées d’extinction. Sans elles les agriculteurs, l’industrie forestière et l’Office national des forêts devraient employer davantage de pesticides afin d’éliminer les insectes qui attaquent arbres et cultures. Ceci entraînerait des effets regrettables sur les prix, et sur la santé des citoyens. Or ces petits mammifères sont tués en masse par les éoliennes, qui les attirent (5). L’effet cumulatif de dizaines de milliers d’éoliennes sur tout le territoire français sera considérable, de l’ordre de 4 à 12 millions de chauves-souris tuées par an lorsque nous aurons, comme l’Espagne, 18.000 éoliennes. Ces machines tuent en effet près de deux fois plus de chauves-souris que d’oiseaux: environ 400 par éolienne et par an (de l’ordre de une par nuit).
Sur cette vidéo (11), on voit des chiroptères se faire frapper par des pales d’éoliennes, ou tomber au sol «barotraumatisées» (lésions mortelles dans les poumons causées par la forte différence de pression qui se crée autour des pales). Sur cette autre (12), on voit un vautour fauve se faire frapper par une pale. Sur celle-ci enfin (13), on voit un urubu à tête rouge (un vautour d’Amérique) perché sur une éolienne en mouvement, ne manifestant aucune crainte. Combien de preuves faudra t il avant que les gens réalisent que les éoliennes sont dangereuses?
L’Etat n’a pas considéré objectivement l’effet qu’auront des dizaines de milliers d’éoliennes sur le territoire national. Des témoins rapportent que les chauves souris ont disparu de leur environnement depuis la construction de centrales éoliennes; d’autres ont noté que les rapaces étaient devenus rares. Les hirondelles et les martinets se font plus rares aussi, ai-je entendu dire ici et là.
La situation est grave, dans la mesure où ces petits mammifères sont de grande utilité pour l’homme. Et puis il y a les oiseaux: sommes nous prêts à vivre dans un monde qui en serait largement dépourvu? Nous avons déjà perdu tant de papillons à cause des insecticides… Accepterions-nous maintenant que ce soit au tour des oiseaux?
Quel abominable gâchis certains font de notre planète, sous prétexte de la sauver… L’industrie éolienne a t elle au moins fait ses preuves? Le retour d’expérience de l’Allemagne est loin d’être probant (14). Dans quelques années, lorsque tous les coûteux rafistolages auront échoué, les Allemands eux-même devront se rendre à l’évidence: l’intermittence éolienne n’a pas de solution qui soit économiquement viable. Les ingénieurs indépendents ne cessent de le répéter (15), mais les hommes politiques font la sourde oreille: l’éolien alimente bien des combines (16).
Mark Duchamp
President, World Council for Nature
Tél: +34 693 643 736

Article source et références :  https://conseilmondialpourlanature.wordpress.com/2015/04/27/le-grand-carnage/



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