Le patron des agriculteurs de l'Aisne opposé aux éoliennes
L'Union 8 juin 2016 Yves Klein
La
conseillère départementale de Marle fustige le développement de
l’éolien. Le président de la chambre d’agriculture aussi. Ça souffle
dans les campagnes.
Le développement de l’éolien dans les campagnes (ici à Villers-le-Sec), choque le président de la chambre d’agriculture |
On
ignorait ses positions sur le sujet. C’en est terminé. La
vice-présidente du conseil départementale, élue du canton de Marle et
conseillère régionale Isabelle Ittelet s’exprime publiquement sur le
développement de l’éolien dans le département. Elle n’est pas la seule.
Un agriculteur de Villers-le-Sec (canton de Ribemont) vient de faire une
déclaration devant ses pairs de la chambre, le tout, devant le préfet
Nicolas Basselier. Ajoutons le président de cette même instance, Olivier
Dauger qui nous confie ses réserves et l’on aura compris que peut-être,
le consensus de façade sur un sujet aussi complexe est entrain de se
briser.
La crainte
d’une flambée des prix
Il
faut dire qu’en matière d’éolien, la Picardie (1400 mâts en prévision)
et l’Aisne sont servis. En Thiérache, le projet de création d’un poste
source par RTE à Le Hérie la Viéville suscite des inquiétudes parmi la
population. « S’il débouche, c’est un dossier qui entraînera
l’installation de 120 éoliennes supplémentaires dans un rayon de 30 Km
avec les conséquences qu’on imagine », regrette Mme Ittelet.
« L’exemple du parc, en cours de construction, à proximité de Marle sur
Serre ne peut que nous conforter dans le sentiment que notre territoire
est en train d’être livré en pâture à des prédateurs qui n’ont que faire
de notre environnement, de notre patrimoine et aussi de notre santé.
Des maires, des conseillers municipaux me disent être littéralement
harcelés par les promoteurs », rapporte encore le binôme de Pierre Jean Verzelen.
Chez
les agriculteurs, il en est qui refusent de céder au chant des sirènes
conscients des risques à moyen terme. Ainsi, Patrick Faglin, exploitant à
Villers-le Sec vient d’appeler ses collègues axonais au sursaut. Selon
lui, l’image de la profession est « singulièrement détériorée depuis
quelque temps en raison de l’absence de sens moral de ces gens qui
acceptent, sans aucun état d’âme, l’installation d’éoliennes de 150
voire 180 m de haut à proximité de presque tous les villages du nord de
l’Aisne . Notre profession sera tenue pour responsable du désastre qui se profile ».
Devant
ses collègues et le président de la chambre, réunis la semaine dernière
à l’occasion de la signature d’une charte de bon empli des terres,
Patrick Faglin a désigné « les ponts d’or consentis aux propriétaires ou aux exploitants par les industriels de l’éolien », qui « font
qu’aujourd’hui, le loyer annuel de quelques centaines de m2 permet
d’acheter un hectare de terres. Le rendement ne s’estime plus en
quintaux de blé ou en tonnes de betteraves mais au nombre d’éoliennes
qui peuvent y être installées. Des propriétaires peu regardants mettent
ainsi aux enchères et cèdent au prix fort, à des gens sans état d’âme,
des terres destinées non plus à nourrir mais à produire de l’électricité
et cela, au détriment d’agriculteurs qui auraient voulu faire de
l’agriculture. On va assister à une nouvelle flambée du prix des terres
et nous en serons tous les victimes », déplore M. Faglin. Face à une
analyse aussi radicale, Olivier Dauger, agriculteur à Guignicourt et
président de la chambre n’est pas le dernier à exprimer ses réserves sur
développement de l’éolien sur le territoire. Un point de vue précieux
d’autant que ce professionnel est également « Référent national
énergie », auprès de la FNSEA et de l’association des chambres
d’agriculture.
Un étrange paradoxe
« A
l’heure où l’on nous impose 7 % de jachères, la question n’est pas tant
celle des emprises foncières qui passent de l’agricole à l’ éolien que
de l’utilisation même de cette énergie, je parle de l’éolien terrestre
et non maritime, qui présente à mon sens plus d’inconvénients que
davantage », confie le patron des agriculteurs de l’Aisne. « Dans notre profession 50 % sont pour et 50 % sont contre. L’élément financier joue évidemment beaucoup », reconnaît M. Dauger pour lequel « il faut rappeler que ce ne sont pas les agriculteurs qui sont propriétaires des éoliennes mais des sociétés financières ». Dans la même veine, le président de la chambre rappelle que « la
FNSEA n’a pas de position sur l’éolien. En revanche, nous soutenons
clairement le photovoltaïque sur les bâtiments d’élevage et la
méthanisation, tout à fait adaptée nos spécificités. À l’heure où l'on
nous dit qu’il faut protéger et sauvegarder nos campagnes », signale Olivier Dauger, « j’ai un peu l’impression qu’avec l’éolien chez nous, c’est l’inverse qui se produit ». Des propos qui ont le mérite de la clarté.
Yves Klein